On parle de Croisade à tout bout de champ, évoquant massacres et intolérance. Pourtant, l'idée de croisade va bien au delà des clichés.
La première croisade est un événement extrêmement important car , pour la première fois depuis bien longtemps, il va voir l'Europe sortir de son continent pour partir outre-mer. Au delà de l'aspect religieux des croisades, et du fossé qui va s'ensuivre durant des siècles, il marque la fin d'une ère et d'un confinement qui durait depuis la chute de Rome. Pour la première fois, ce n'est plus l'Europe qui subit ou qui observe mais c'est l'Europe qui donne l'impulsion. L'affrontement avec l'Islam qui va en résulter n'est pas le premier mais c'est celui qui laissera le plus de traces.
Les circonstances de la Croisade
La lente maturation de l'idée de croisade dans la religion chrétienne s'est étalée sur près d'un millénaire. A partir de l'installation du christianisme comme religion d'état dans l'Empire romain en 313, elle a cessé d'être anti-militariste pour, petit à petit , devenir le bras droit du pouvoir séculier. L'instauration de la paix de Dieu et de la trêve de Dieu lui a donné un ascendant sur les laïcs militaires et la christianisation de la cérémonie de l'intronisation des chevaliers la met au centre de cette classe. Il est donc logique que la Religion se fasse l'avocat d'une lutte armée contre ceux qu'elle considère comme infidèle.
Urbain II est pape depuis 7 ans, il a succédé en 1085 à Grégoire VII (1073-1085). Depuis Nicolas II , en 1059, les papes sont élus par les cardinaux et la dictatus papae de 1071 a confirmé la proéminence du pape sur le reste de la société. Le schisme de 1054 avec Constantinople a entamé la rupture de l'Église. La défaite du roi Espagnol Alphonse VII en 1086 a marqué un coup d'arrêt à la Reconquista, malgré la prise de Tolède un an plus tôt ainsi que la conquête de la Sicile par Robert Guiscard en 1091.
Mais du côté de l'orient, on assiste à un mouvement inverse. La prise de Bagdad en 1055 amorce un retour à l'unité perdue du premier siècle de l'Islam. Alors qu'en 1025, Byzance est au sommet de sa puissance , à la fin du siècle, sa gloire est passée et son territoire s'est considérablement réduit. En 1025, l'Empire est enfin en paix, à la fin du siècle, il est de nouveau en butte aux agressions turques.
En 1071, les Turcs Sedjoukides ont écrasé les Byzantins à Montzihert et se sont emparés de toute l'Asie Mineure. Trahi par ses ennemis de l'intérieur, Romain IV Diogène est prisonnier. Alp Arslan le libère mais ses troupes , turcomanes, déferlent sur l'Anatolie. Cette unité ne durera cependant pas : dès 1092, à la mort d'Alp Arslan , le sultanat se morcèle. Les Turcs ne colonisent pas toute la Syrie qui reste majoritairement arabe.
On y trouve également des orthodoxes (jacobites et monophysites) , surtout en Syrie du Nord et en haute Mésopotamie, des Grecs Orthodoxes qui s'arabisent peu à peu, des maronites au Mont Liban, des moines géorgiens, des Arméniens grégoriens (Monophysites), tout un aréopage de chrétiens qui résistent, tant bien que mal, à la pression muslumane.
A Constantinople, on regarde l'Occident avec condescendance , voire mépris. Mais l'an Mil , passées les grandes famines, voit les royaumes francs se redresser. La pauvreté régresse, les seigneurs s'affirment face à la royauté , la chevalerie émerge.... L'Eglise veut alors contre balancer la société guerrière laïque. On instaure la Paix de Dieu et la Trêve de Dieu. Et on commence à affirmer qu'il existe une guerre juste, contre les infidèles.
Le concile de Clermont
Dès 1074, une première idée de croisade naît mais elle n'est pas suivie d'effet. Grégoire VII aurait reçu une demande d'aide de Michel III, l'empereur de Byzance. En échange d'un secours de l'occident pour les chrétiens d'Orient, il rouvrirait les négociations de réunification. En 1055, les légats du pape ont excommunié le patriarche Michel Serulaire. Mais ce n'est qu'en 1204, lors du sac de Constantinople que l'incident sera rebaptisé en Shisme par la papauté.
La raison principale est l'interdiction faite par les Turcs aux pèlerins de se rendre sur la tombe du Christ. A la lumière de l'historiographie récente, cette interdiction a sans doute été exagérée par Urbain II afin de susciter un enthousiasme populaire. Certes les Turcs faisaient subir moult vexations aux pèlerins, beaucoup plus que les anciens maîtres de Jérusalem, les Fatimides, qu'ils avaient battu en 1078 , mais le pélerinage n'était pas interrompu pour autant.
A Jérusalem, un moine, Pierre l'Ermite a rencontré le patriarche de Jérusalem, Siméon. Celui ci lui aurait remis une lettre que Pierre avait pour mission de donner au pape. En revenant en Europe, Pierre commence alors à prêcher l'idée d'une expédition qui aurait pour but d'aider les chrétiens d'Orient.
Au concile de Plaisance, en mars 1095, Urbain II a lancé un triple programme : Rétablir l'unité de la chrétienté (visant le schisme de 1054), restaurer la discipline dans l'Église et assurer sa défense. Jérusalem est en ligne de mire. Là aussi, on assiste à un appel du Basileus Alexis 1er et le pape incite ses fidèles " à promettre par serment d'aller au secours d'Alexis"
Huit mois, plus tard, nouveau concile à Clermont dont on a souvent exagéré l'importance : 13 ou 15 archevêques, 80 évêques, 90 abbés. On est loin des conciles massifs qui viendront plus tard. Il sera question de :
* L'excommunication de Philippe 1er de Bertrade, déjà condamnés à Plaisance.
* Des mesures afin de réformer le clergé, de lutte contre la simonie et de discipline éclésiatisque, là aussi dans la ligne de Plaisance.
* De moyens pour faire observer plus strictement paix et trêve de Dieu.
Sur ce dernier point, on sait que Cluny fut en pointe du combat, cherchant à détourner l'ardeur guerrière des nobles vers des combats plus "spirituels", au moins plus efficaces pour la chrétienté, comme la Reconquista. Or, Urbain II est un ancien de Cluny (de 1073 à 1077).
Si les 9 premiers jours sont consacrés à ces points, le 27 novembre, Urbain II lance son appel à Notre Dame du Pont , ayant gardé secret durant le début du concile son projet de croisade.
Deus Lo Volt
La réponse est immédiate et des milliers de gens vont alors se lancer sur les routes qui mènent à Jérusalem.
A Clermont, Urbain II va recevoir l'appui de laïques. Pierre l'Ermite prendra la tête de la croisade populaire. Robert D'Arbristan est le premier grand à se raillier. Puis le pape fera une tournée , appuyé par l'évêque du Puy, Adémar de Monteil , afin de répéter son message : Limoges, Angers, Le mans, Tour puis le Poitou et le Bordelais. Il prêche par la force la reprise de Jérusalem.
Ses thèmes sont les suivants :
La terre sainte est occupée depuis 4 siècles.
Le Saint Sépulcre a été détruit par le Calife Al-Hachim
Le contrôle des turcs sur la route du pèlerinage empêche les chrétiens de se rendre à Jérusalem.
Mais dès cette prédication, une ambiguïté apparaît : aller jusqu'à Antioche ou Jérusalem ? Porter secours aux chrétiens d'Orient ou libérer les lieux saints ?
Urbain II promet alors une indulgence pleinière pour tous ceux qui partiront en croisade.
La date de départ est fixée au 15 août 1096, le jour de l'assomption de Marie. Mais Pierre l'Ermite, assisté de Gauthier sans avoir, un pauvre chevalier, partira dès le 8 mars, avec près de 20 000 pèlerins.
Une croisade antisémite ?
Avant d'arriver en Terre Sainte, les croisés vont surtout se faire remarquer par un antisémitisme forcené, des massacres et des pogroms. Tant la croisade populaire que la croisade des seigneurs tremperont dans ses exactions. On massacre les juifs comme "ennemis de Dieu" dixit Emich. Autour de Pragues, le prête Folkmar et sa troupe se livrent à des pogroms. Ils seront anéantis un moins plus tard.
Un autre pillard, Gottshalk subira le même sort en Hongrie par l'armée de Coloman. Enfin, citons le cas de Emich de Liesingen , un chevalier brigand qui commence sa propre croisade en massacrant les juifs des villes de Rhénanie qu'il traverse : Cologne, Trèves, Worms... A Mayence, 1300 juifs sont tués, malgré les protestations des Évêques et des seigneurs . Lui aussi sera exterminé par le roi de Hongrie Coloman .
On s'appuie sur des rumeurs. Ne dit-on pas que Ademar de Chabannes et Raoul Glaber, en 1030 et 1050, auraient écrit que les juifs ont prévenu le calife Al-Hachim de l'arrivée prochaine des croisées ? Cette affirmation, totalement fausse (comment les deux éclésiastiques auraient-ils pu prévoir un événement qui aura lieu 50 ans plus tard) n'est pas moins un puissant prétexte.
Même Godefroy de Bouillon brûlera des juifs dans la synagogue de Jérusalem si l'on en croit le chroniqueur arabe Ibn-Al-qalanisi.
Mais en y regardant de plus près, le motif antisémite n'est pas le seul. En fait, ces croisés sont partis sans provisions. Ils se logent et vivent sur l'habitant. La tentation est alors grande de prendre par la force ce que les habitants ne veulent pas forcément donner. D'ailleurs, les pèlerins pilleront même des villages chrétiens quand ils n'auront plus de juifs "sous la main". Cet état d'esprit pillard sera la cause de maintes discordes entre le Basileus et les croisés. Ainsi, à Semlin, juste avant d'entrer en territoire byzantin, la troupe de Pierre l'Ermite prend d'assaut la ville et tue une partie de ses habitants pour un problème de ravitaillement.
La désastreuse croisade populaire
La croisade dite populaire s'est donc distinguée par des pogroms, des pillages et des massacres dans toute la partie orientale de l'Europe.
Comme dit plus haut, la troupe emmenée par Pierre l'Ermite est partie dès mars 1096. Il rejoint Gautier sans avoir qui traverse tant bien que mal l'Empire Romain Germanique. Son "armée" est indisciplinée et le Basileus juge dangereux de la laisser sans contrôle. Cependant, il l'autorise à camper près de Constantinople le 20 juillet.
Le Basileus Alexis fut informé de l'arrivée prochaine de cette cohorte sans doute été prévenu par des lettres venant d'Urbain II. Mais il entend avoir un minimum de contrôle sur une troupe qu'il juge barbare et plus dangereuse que celle de Gautier. C'est le gouverneur byzantin Niketas qui est chargé de cette mission mais il n'y parvient pas et se retire sur Nish. Belgrande sera alors pillée par les croisés. Arrivé devant Nish, la promesse de non agression faite à Niketas n'est pas tenu et les Croisés, de nouveau, tentent de piller la ville. Niketas va alors massacrer une partie des croisés. Alexis envoie alors une ambassade pour intimer à Pierre l'ordre de respecter les territoires traversés s'il veut garantir la suite du voyage. Cette fois ci, les croisés se soumettront et le reste du voyage se passera sans encombre.
Il l'autorise à camper près de Constantinople mais pas plus de 3 jours. Arrivé le 1er août 1096 , Pierre rejoint Gautier sans Avoir qui l'attend depuis plusieurs jours. Les croisés sont maintenus à l'écart de la ville mais même ainsi, des heurts éclatent ainsi que des saccages. Les croisés feront même rotir le lion d'Alexis II. Le Basileus fait alors traverser le Bosphore à cette armée disparate et la laisse sur la rive orientale. Là, ils devront attendre les armées des Princes à Civitot. Mais les terres de Nicée sont trop tentantes : une partie de l'armée s'en va les piller. Un des lieutenants de Gautier, Renaud parvient même à enlever provisoirement aux Turcs le château de Xerigordon . Quand les Seljoukides s'en empareront de nouveau, ils massacreront tous les chrétiens présents.
Fin août , les croisés vont vers Nicomédie mais se heurtent aux Turcs : la défaite est sanglante, une partie des croisés est massacrée ou vendue comme esclave. Pierre retourne , incapable de discipliner sa trouve, s'en va chercher de l'aide auprès d'Alexis et laisse à Gautier le soin de garder le campement. le 21 octobre, les pelerins survivants (25 000 selon certaines sources - la troupe ayant grossi au gré du voyage) s'en vont vers Nicée, encadrés par moins de 500 chevaliers. Mais ils tombent dans une embuscade tendue par lQilij Arslân ibn Sulaîmân, l'émir d'Anatolie. Moins de 3 000 personnes survivront pour se réfugier dans la forteresse de Civitot, immédiatement assiégée par les Turcs. Des troupes venant de Byzance permettront l'évacuation de ces débris d'armée.
Cette évacuation met fin à la croisade populaire. Un sinistre pyramide d'ossements en rappellera l'échec.
Pour certains chroniqueurs, ce désastre est la conséquence des péchés des croisés , d'autres estiment que le Basileus a tout fait pour précipiter cette fin. Car , pour les croisés, le Dieu des chrétiens ne pouvant être vaincu , la défaite est forcément due à la trahison
L'arrivée des princes
Urbain II avait réussi à ralier plusieurs hauts seigneurs occidentaux. Il avait écarté les princes espagnols qui devaient selon lui s'occuper de la Reconquista. Raymond de St Gilles, comte de Toulouse, Hugues de Vermandois , frère du roi de France Robert 1er , répondent à l'appel. Robert Courteheuse, duc de Normandie, Godefroy de Bouillon, duc de Basse Lorraine et son frère Baudoin, Bohémond de Tarente , fils de Robert Guiscard (le conquérant de la Sicile), Etienne de Blois, Robert de Flandres , Adémar du Puy complèteront cette armée qui n'est pas composée, comme on a pu le dire, de seigneurs déclassés ou cherchants un fief. Mais cette armée ne dépend d'aucun royaume.
Les grands seigneurs sont partis en ordre dispersé. Quand Hugues arrive à Constantinople, Godefroy de Bouillon est aux frontières de l'Empire Byzantin, Bohémond de Tarente est sur les rives de l'Adriatique.
Robert de Normandie, Étienne de Blois et Robert de Flandres campent à Rome.
Quand à Raymond de St Gilles et Adémar du Puy, ils sont encore en France. 4 routes différentes en tout pour rejoindre Constantinople.
Alexis va alors chercher à obtenir un serment de fidélité de la part des princes. Il a en mémoire l'exemple de Roussel de Bailleul, un aventurier normand qui s'était mis au service de Michel VII Doukas mais qui en avait profité pour se tailler un fief dans les territoires d'Empire. A tel point que Michel du faire appel aux Turcs qui l'avaient battu en 1071 pour se débarrasser de l'encombrant aventurier.
Le Basileus n'entend donc pas voir les princes occidentaux reconquérir la Terre Sainte à leur profit mais entend recouvrer les terres perdues de l'ancien Empire à son profit. Il sait recevoir et tente par le faste de son accueil d'amadouer les princes.
Hugues arrive donc le premier, escorté (en fait très étroitement) par Jean Commène, neveu du Basileus. Il prêtera serment.
Puis Godefroy rallie Constantinople mais cherche à éviter la rencontre en prenant comme prétexte l'attente des autres princes. Le Basileus interrompt alors son ravitaillement. Godefroy pille l'arrière pays afin de nourrir son armée. L'arrivée des autres princes le 20 janvier 1097 débloque la situation et serment de fidélité est alors formulée. Les seigneurs d'occident doivent se plier à la coutume byzantine qui oblige à se prosterner devant l'Empereur puis font hommage comme en Occident.
Le 4 avril , Bohémond prête également serment. Le 21 , c'est au tour de Raymond de St Gilles de faire la même chose, quelque peu forcé par les autres princes.
Cette attitude décevra beaucoup les soldats croisés qui ne comprennent pas pourquoi il faut prêter serment fidélité à un Empereur qu'il juge efféminé voire traître. Le fossé ne cessera de s'agrandir. Alexis estime que les Croisés sont là pour reprendre Antioche à son profit tandis que les occidentaux ne rêvent que de Jérusalem. L'incompréhension explique la suite de la croisade.
Le chemin vers Antioche
Fin avril, les croisés se mettent en route vers Nicée et y mettent le siège le 6 mai 1097. Robert de Flandres, Hugues le Grand, Godefroy découvrent en route les ossements nombreux des participants de la croisade populaire. Entre temps, ils ont été rejoints par Robert de Normandie et Etienne de Blois le 29 mai.
Les Turcs envoient une armée pour dégager la ville de son étau : elle sera taillée en pièces par ceux que l'on appelle désormais les francs. Mais le siège ne porte toujours pas ses fruits. Le Basileus envoie alors une flotille, le 17 juin, pour prendre la ville à revers, à partir du lac qui la ceinture. Cette fois, les défenses tombent et Nicée est prise. Mais les Croisés n'ont pas le droit d'entrer dedans et doivent la restituer à Alexis. Ils ont alors la détestable impression que le Basileus les utilise comme des mercenaires (qu'il paie fort mal de surcroit) et se sert d'eux pour accroître son empire à moindre frais. De plus, il ne tient pas sa promesse de mettre à la disposition des Francs une armée supplémentaires.
La croisade continue, toujours plus loin au sud. Le voyage est terrible. Le 1er juillet, les Turcs attaquent Robert, Bohemond et Etienne à Dorylée. Le choc est frontal et sanglant. Mais les croisés tiennent bon et les Turcs subissent une défaite qui les fera réfléchir. Désormais ils n'attaqueront plus la cavalerie franque en terrain découvert et en bataille rangée. Ils préfèreront les coups de mains, le harcellement , la destruction des sources de vivres... Après Dorylée et Conius, c'est la traversée des montagnes de l'Anti-Taurus, entre Césarée et Marash. Traversée terrible. On dévore les chevaux mort de soif. Bohémond aurait même fait couper en morceaux et rôtir les espions turcs attrapés autour du camp.
Le 20 octobre, les Croisés sont enfin en vue d'Antioche. Durant le voyage , des villes occupées par des Chrétiens, des Syriens ou des Arméniens ouvrent leur porte, montrant ainsi leur désir d'être libérés des Turcs.
Le siège d'Antioche
La ville est une vieille cité fortifiée, hérissée de 400 tours, accolée à une montagne et ceinte par un fleuve : imprenable. Seul le siège peut en venir à bout. Il va durer 7 mois et s'imposera comme la plus terrible épreuve que subiront les croisés. La maladie, la famine, la pluie qui change le camp en bourbier et les attaques des Turcs vont transformer le siège en enfer.
Le maître de la ville, Yâghi Siyarn est peu aimé. Il a fait expulser les chrétiens et les syriens qu'il suspecte de vouloir passer à l'ennemi. Bien à l'abri derrière ses murailles, il se contente d'attendre l'aide du maître de Mossul, Karbuq. De leur côté, les croisés recevront une aide (légère) du Basileus dans cette entreprise de conquête.
Le 23 décembre, Bohemond et Robert vont à Alep chercher des vivres. Attaqués sur le chemin du retour, ils se voient dépouillés de leurs vivres par les Turcs. Entre temps, le camp a été attaqué, certains chefs sont malades.
Pierre l'ermite cherche à fuir en janvier mais il est rattrapé et humilé par Bohemond. Un mois plus tard, en février, ce sont les grecs de Tarquin qui repartent à Constantinople.
Le 5 mars , les croisés sont de nouveau attaqués mais ils parviennent à tuer plus de 1500 turcs. Leurs têtes serviront de projectiles lancés dans l'enceinte de la ville ainsi que de "cadeaux" destinés à des ambassadeurs fatimides, réjouis de voir les Turcs qui ont détruit une partie de leur empire être menacés à leur tour.
Le blocus est alors total. Mais l'armée de secours de Karbuqâ est en vue. Elle assiège Baudoin en vain à Edesse puis repart vers Antioche. Etienne de blois se retire à Alexandrette et veur rentrer en France. Il annonce même à Alexis que tout est perdu;
Mais entre temps, Bohemond est parvenu à rentrer dans la partie basse de la ville, profitant de la traîtrise d'un certain Frirouz qui leur a permis d'escalader une tour de garde. Les Croisés deviennent alors les assiégés de l'armée de Karbuqa. Certains désertent.
Un certain Pierre Bathélémy , un prêtre, affirme alors qu'il a eu une vision plusieurs mois auparavant et que la sainte lance, qui aurait percé le flanc du Christ, se trouve dans la cathédrale d'Antioche. D'autres croisés affirme avoir vu Jésus en songe qui leur a reproché leur débauche. Le 14 juin, la lance est effectivement trouvée dans la cathédrale. Bohémond prend alors le commandement et ordonne 3 jours de jeûnes et de processions. Il fait une demande d'ordalie à Karbuqa qui refuse.
Le 28 juin, l'armée franque se rue en ordre de bataille sur les Turcs, aidée par des Syriens et des Arméniens . Raymond d'aguiliers tient avec lui la sainte Lance. Contre toute attente la victoire est totale, Antioche tomber totalement aux mains des croisés.
Les croisés ne profitent pas de cette débandande. Au contraire, ils vont tout faire pour retarder le départ vers Jérusalem. Les différents princes cherchent à se tailler des fiefs dans les terres conquises ce qui engendrera des tensions entre eux. Le serment de fidélité envers Alexis est soigneusement mis de côté. Bohémond revendique Antioche mais se heurte à ses pairs.
Le 12 décembre, la ville de Ma'arrat est prise. Mais une partie de l'armée croisée a developpé une idéologie bien singulière : l'ébonisme, estimant que le dénuement est la force de leur salut. Ils forment la troupe des Tafurs. Après la ville de Ma'aarat, il massacre la population et détruisent la ville, afin d'obliger les Barons à continuer la route.
Il faut attendre le 3 mars 1099 pour que la croisade soit relancée suite aux pressions des "petites gens" qui n'ont pas oublié le but premier du voyage : Jérusalem.
Les croisés reprennent la route, conquiert des villes comme Arga, Tripoli et arrivent devant Jérusalem le 6 juin. Un nouveau siège commence. L'arrivée d'une flotte génoise , apportant des vivres et du matériel, redonnent courage et énergie aux aux croisés. Godefroy et Raymond font alors construire des tours d'assaut gigantesques afin d'atteindre le haut des murailles. Les Francs découvrent également des madriers dans une grotte et Bohemond a une vision : la ville sera prise après 9 jours d'assaut si les croisés font une procession. Pierre l'Ermite se retire sur le mont des oliviers pour prier.
Après 3 jours de jeûne, les croisées effectuent une procession sous les murs de Jérusalem, sous la risée et les injures des Turcs. Ils sont "Israël sous les murs de Jéricho" (George Tate)
Le 14 juillet, c'est l'assaut. La première attaque est repoussé. Mais le 15, Godefroy met en branle ses tours , les croisés sautent sur les créneaux. Par la porte st Etienne, chevaliers et pietons entrent dans Jérusalem. La ville est alors prise et le carnage sera total. Durant plusieurs jours, nul n'échappe à la fureur des croisés. Ecoutons Raymond d'Aguiliers
"Nous dirons simplement que dans le temple et dans le portique de Salomon, on chevauchait dans le sang jusqu'aux genoux, jusqu'au frein des chevaux"
Bien entendu ce carnage choque tout le proche Orient et laissera un souvenir durable. Ben Laden ne parle-t-il pas des "croisés" ?
Au terme des combats, les chefs militaires se rendent à l'Église du St Sépulcre afin de rendre hommage à Dieu. Un vieil homme se jette alors aux pieds de Pierre l'Ermite : le successeur de Siméon le patriarche qui lui avait demandé son aide.
La victoire d'Ascalon le 12 août contre les fatimides clôt le chapitre militaire. Les croisés reviennent chargés de butin et persuadés que Dieu ne les abandonnera plus . Le voeu des croisés est accompli. Certains resteront en Terre Sainte pour la tenir contre les Turcs, d'autres, nombreux, vont préférer rentrer en Occident, auréolé de gloire et de souvenirs guerriers. Mais que de crimes commis au nom de Dieu !! Des pogroms en Europe au massacre du temple du Salomon, la face noire de la Croisade n'en est pas la moins importante.
Godefroy de Bouillon est alors élu Avoué du St Sépulcre. Il est préféré à Raymond pour sa piété et sa modestie. Arnoul est élu Patriarche , en attendant le choix définitif du pape.
Les seigneurs vont alors organiser la Terre Sainte en 4 Etats (voir carte ci contre) et importer la féodalité en Orient.
Mais moins d'un an plus tard, Godefroy rend l'âme. Son frère Baudoin 1er le remplacera. Il va conquérir Arsouf, Césarée, Acre et 1104 puis Beyrouth et Sidon en 1110.
Il se taille alors un fief immense qui va jusqu'à la forteresse d'Aïlah sur la mer rouge. Baudoin II, son successeur fera construire le fameux Krak des chevaliers, près de Tripoli. Il sera également à l'origine de la création des Templiers
La 1ere croisade est quasi - terminée. Elle a vu la victoire des Chrétiens mais mal préparés à cet orient qu'ils connaissent mal, ils vont rapidement heurter les mentalités des musulmans et préparer l'échec final de cette série d'expédition.
Les Etats du Nord vont donc se developper lentement. Le comté d'Edesse a ses frontières dès sa formation. Mais les autres principautés doivent constamment surveiller leurs frontières.
On assiste aussi à des accords de protection : Ainsi en 1118, les Francs imposent à l'Emir d'Alep Yaruqtash le privilège pour leurs armées de convoyer sous leur protection (et moyennant le paiement d'une taxe) les caravanes qui vont d'Alep jusqu'à La Mecque.
Petit à petit, les Etats se solidifient. La captivité de Baudoin II entre 1123 et 1125 ne change pas la donne. Mais les Francs restent une minorité face à une armée arabe désireuse de prendre sa revanche.