Histoire&polémiques

Des petits articles qui se proposent de faire le point sur tels ou tels aspects de notre histoire . Amateurs du politiquement correct, s'abstenir

Saturday, December 30, 2006

D'un Empire à l'autre


Il fut une ère où l’Europe cherchait à n’être qu’une, se souvenant du glorieux temps de l’Empire Romain. Elle offrit d’abord cette écrasante responsabilité à Charlemagne puis à Otton. Petite chronique du passage d’un Empire à l’autre.

Noël 800. Rome. Charlemagne est dans la capitale depuis quelques semaines. A 57 ans , il est encore dans la force de l’âge.

Quelques temps auparavant, le pape Léon III s’est lavé de tout soupçon qui pesait contre lui, soupçons d’immoralité entre autres. Il est vrai que l’appui de son puissant ami, le roi des Francs et des Lombards, Carolus Magnus, n’a pas été inutile !!

Charles assiste à la messe. À la fin de la cérémonie, il se passe un événement que l’on a plus vu depuis 476 : le pape pose la couronne sur la tête du roi et le fait Empereur en prononçant la phrase suivante : « A Charles très pieux auguste, par Dieu couronné grand et pacifique empereur, vie et victoire »

Les sources divergent sur la réaction de Charlemagne. D’après Eginhard (Vita Carolis), celui-ci est furieux car il comprend que le pape en prenant l’initiative vient également de se montrer en supérieur temporel. C’est la papauté qui fait l’Empereur et non le contraire.

Si l’on en croit les biographes du Vatican, le nouveau souverain est absolument ravi.

D’après certains historiens, Charlemagne et Léon III auraient ensemble préparé la cérémonie. Léon III gagnait une légitimité face à la Curie qui le contestait encore. Charles lui obtenait l’appui de la papauté , se posant en un champion du Christianisme.

Qu’importe : l’Empire renaît. Empire, il était déjà par le territoire qui sans égaler celui de l’ancienne Rome. Gaule, Allemagne, nord de l’Italie, nord de l’Espagne, territoires slaves, Frise (Hollande), Belgique, Luxembourg, Autriche…. Des millions d’hommes vivent sous la domination de Charlemagne. Celui-ci a succédé à son père, Pépin le Bref en 768, co-gérant le royaume franc avec son frère Carloman. Puis dès 771, il règne seul, Carloman ayant disparu.


Il l’est par l’idéologie : le christianisme s’impose dans tout le territoire, parfois à de manière brutale. En 782, Charlemagne fait exécuter 4500 Saxons pour l’exemple. Quelques années auparavant, il a abattu leur arbre sacré. Le paganisme recule peu à peu et par l’intermédiaire des Missi Dominici, l’autorité de Charlemagne s’impose à tous.

Dès 802, Charles se fait représenter ceint d’une couronne de laurier et adopte la titulature suivante : Roi des Francs et des Lombards , Empereur. Mais a-t-il conscience d’être l’héritier d’Auguste ? Pas si sûr selon certains historiens qui mettent en avant son projet de partage du territoire entre ses trois fils. Un projet de mariage avec une princesse byzantine échoue. Il aurait permis de réunir l’Empire Romain d’Orient avec celui de Charlemagne. Une occasion ratée.

Charles meurt en 814. Son fils Louis le Pieux a la lourde charge de lui succéder. Charles l’a lui même couronné en 813, se passant du pape. En effet, le vieux souverain refuse d’accepter l’idée que cela soit le pape qui fasse l’Empereur.

En 817, Louis prend une décision inouïe : bafouant la loi franque, l’Empire ne sera pas divisé et seul Lothaire son aîné lui succédera comme Empereur. Ses frères, Pépin et Louis le Germanique n’auront que le titre de roi et seront subordonnés à Lothaire. Il faut savoir que si Louis le Pieux est devenu seul Empereur, c’est parce qu’il est le seul héritier vivant.

Mais la naissance de Charles le Chauve en 823 va ruiner l’Ordinatio Imperri (c’est le nom de la loi de 817). Jaloux, les fils vont se rebeller, déposer leur père, le rétablir sur le trône : une longue litanie de conflits (que j’analyserai dans un article futur). En 840, Louis meurt, mais la guerre perdure. En 843, le partage de Verdun entraîne la fin de l’Empire Carolingien.

Première parenthèse.

Projetons un siècle plus tard. Très exactement en 955. Certes, l’unité de l’Empire a été rétabli par deux fois, mais de manières très éphémères : en 877 par Charles le chauve, en 887 par Charles le Gros. Mais à chaque fois, c’était à la suite de hasard, de successions heureuses.

En 955, Othon écrase les Hongrois à Lechfeld. Déjà maître de l’Italie depuis 951, le souverain allemand obtient là un prestige considérable, comparable à celui de Charles Martel en 732. Depuis plusieurs décennies, les Hongrois ravageaient l’Europe, succédant par l’est aux Normands. La Bourgogne et le Berry avaient été pillées en 937.


En 962, il est couronné Empereur par Jean XII. Et ses premiers actes vont être de s’inspirer du grand Charlemagne dont il reprend la titulature.

Quinze mois plus tard, il dépose le pape afin d’affermir son autorité sur Rome (Louis le Pieux avait fait pareil en 824) , ramène les féodaux Italiens à l’obéissance et oblige l’Empire Byzantin à le reconnaître.

Othon III en 999 établira sa cour à Rome. Désormais, on parle du St Empire Romain Germanique. Par rapport à celui de Charlemagne, son territoire est plus petit car il ne contient pas la partie ouest qui , depuis 987, est dirigée par les Capétiens. Mais son prestige reste considérable car il est l’héritier de l’Empire de Rome.

Il durera jusqu’en 1800, année où Napoléon le détruira à son profit.

Mais c’est une autre histoire.

Friday, December 22, 2006

Little Big Horn de David Cornut


La parution du livre de David Cornut constitue un événement dans l’historiographie francophone car il concerne un domaine rarement exploré : l’histoire du XIXeme siècle aux USA. De plus, il ose s’attaquer à un personnage totalement décrié en France : le général Custer !! Si vous voulez rire, tapez donc Custer dans le moteur de recherche d’Herodote.net. Il est vrai qu’Hérodote, historien grec était connu, dès l’antiquité, pour ses approximations, exagérations voire inventions, à la différence d’un Thucydide, d’une rigueur totale et qui inventa l’histoire en racontant la guerre du Péloponnèse.
Raciste, tueur d’indien, incompétent, arrogant, rebelle… Voilà la liste des « qualités » que l’on accorde généralement à Custer en France, mais aussi aux USA, dans les milieux dits « progressistes ». Non seulement, le livre balaie toutes ces idées reçues, mais surtout il donne un aperçu intégral sur la bataille, alternant le point de vue des soldats et celui des Indiens. La somme de travail sur les témoignages donne le vertige et on sent là le travail d’un passionné, et non un vague argumentaire sorti à la va vite pour se faire du fric !
La première partie est une biographie sincère et passionnée de Custer. On y découvre un jeune soldat, rétif à toute autorité, mais dont le charisme et les qualités militaires vont rapidement en faire un des héros de la jeune Amérique. David Cornut en profite pour dépeindre la vie des soldats de la cavalerie US. On est bien loin des John Ford (même si je trouve que ses westerns sont de véritables chefs d’œuvre. Revoyez donc La chevauchée fantastique !!) et l’on découvre une armée hétéroclite, manquant de tout mais tenant fermement à protéger la toute jeune démocratie. L’ambiance très particulière du 7e de cavalerie est bien rendue. Ces premiers chapitres insistent également sur le rôle de Custer durant la guerre de sécession et l’on comprend alors mieux l’aura qui va alors le marquer et ce malgré son manque de discipline patent. Les gloires (et les échecs dont un qui lui vaudra une année sans solde suite à une première campagne indienne ratée) de Custer, son attitude parfois brutale envers ce qui , contrairement à lui, refusent de se mettre totalement au service de la jeune démocratie, en font un personnage atypique mais tellement représentatif du Far West légendaire.

Dans une deuxième partie, l’auteur en profite également pour dynamiter les idées reçues sur les Indiens et montre qu’au-delà de l’idéalisme romantique, les tribus étaient constituées d’hommes, ni plus ni moins et que ces derniers étaient autant capables d’une rare cruauté que d’un courage sans limites. Ainsi les portraits de Crazy Horse ou de Sitting Bull décrivent les deux chefs indiens avec toutes leurs ambiguïtés. On voit Sitting Bull devenir un véritable fantasme vivant pour les belles américaines . On y voit aussi comment s’organisaient ces tribus, que le romantisme véhiculé par les westerns new-age n’est pas vraiment la totale vérité. Tout comme pour Custer, Cornut n’esquive pas les faces noires et se refuse à écrire des hagiographies. Rédigée d’une manière claire (le style est direct et jamais ampoulé) , ce premier acte qui va de la jeunesse de Custer à la veille de la bataille passionne en passant par la psychologie des Indiens des plaines ferait la base d’un excellent western. Enfin, pour bien comprendre la situation, Cornut nous explique l’importance des Blacks Hills , leur ouverture à la colonisation, les échecs des négociations avec les Indiens…. Bref, on a alors tous les atouts pour comprendre la signification de la bataille.

La troisième partie s’intéresse à la bataille proprement dite : on entre alors dans une narration quasiment à la minute, où la stratégie, expliquée au moyen de plusieurs cartes, permet de comprendre comment Custer s’est retrouvé piégé et a finalement trouvé la mort. Là aussi, l’auteur balaie toutes les idées reçues (les milliers d’indiens, la soi disant incompétence du général..) et n’hésite pas à pointer les vraies coupables du désastre, le général Reno en tête. S’appuyant sur l’archéologie , sur les témoignages des survivants indiens et américains, Little Big Horn se déroule sous nos yeux, alternant les points de vue des deux camps. Là aussi, un scénariste n’aurait aucun mal à en faire un excellent western. Cornut fait parler tous les protagonistes, parfois même dans les différentes langues indiennes. Le boulot d’érudition est énorme ainsi que l’imposante masse de notes (que l’on aurait préféré trouver en bas de page et non à la fin de chaque chapitre). Les expressions en langue indienne ou anglaise sont bien évidemment toutes traduites.
La quatrième partie s’intéresse aux retentissements énormes de la défaite mais aussi aux tentatives de salir Custer. C’est, bien entendu, celle qui fera le plus de polémiques, même si en France, il est clair que le sujet ne passionne pas. L’auteur refait donc le procès, met en lumière les mensonges de Reno et Bentheen devant la commission d’enquête. Là aussi, le travail sur les témoignages, la mise en parallèle des rapports et des auditions sont considérables. Aucune ligne n’est vraiment inutile et l’on comprend alors mieux la légende noire qui entoure désormais le général Custer.

Puis l’auteur termine son histoire : il s’intéresse à la fin des guerres indiennes, rétablit la vérité sur le massacre de Wounded Knee, relate à travers une imposante suite de petites biographies la fin de la vie des protagonistes survivants de Little Big Horn.

Enfin, un copieux lexique clôt le livre en beauté.
Cerise sur le gâteau, le livre est un bel objet, agrémenté de photos inédites (certaines ont été prises par l’auteur sur les lieux de la bataille) et figurera en bonne place dans la bibliothèque de tout amoureux de l’Histoire qui se respecte. Little Big Horn montre que la jeune garde universitaire n’a pas dit son dernier mot et que surtout, elle entend sortir des sentiers du politiquement correct. Il était temps !!

Sunday, December 03, 2006

La (re)naissance d'Israel en 1948



À l’heure où le Moyen-Orient redevient une poudrière et où un dirigeant iranien rêve de détruire Israël par le feu nucléaire, il est intéressant de se pencher sur la naissance de ce pays.

La naissance d’Israël remonte en fait à 1917, à ce que l’on appelle la déclaration Balfour. Remontons un peu le temps. L’effondrement de l’Empire Ottoman a permis à l’Angleterre de prendre pied au Moyen-Orient. Elle gère désormais la Palestine. Le 2 novembre 1917 la Le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Arthur J. Balfour, écrit à Lord Lionel de Rothschild la déclaration suivante : « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et fera tous ses efforts pour faciliter ces objectifs étant, bien entendu , que rien ne viendra porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non-juives existants en Palestine, ou aux droits et à la situation politique dont les Juifs jouissent dans les autres pays ». Mais cette déclaration sera très mal accueillie (déjà !!) par les pays arabes et des troubles ensanglanteront régulièrement la région. Ainsi les colonies juives sont régulièrement attaquées et les Palestiniens (nom générique donné aux musulmans habitant la région) se heurtent également de manière violente avec les autorités Anglaises qui ont vite oublié leurs promesses d’indépendance. En 1936, un congrès national réunit plus de 150 délégués palestiniens. Leurs revendications portent sur l’arrêt de l’immigration juive mais aussi sur l’accès à l’indépendance.

En 1937, la commission royale préconise le partage de la Palestine en un Etat juif qui comprendrait 33% du territoire et un Etat arabe. Mais les Palestiniens rejettent le plan. En 139, une nouvelle conférence aboutira à un échec semblable. À chaque fois, la partie arabe refuse le moindre partage.

La montée du nazisme va renforcer le Foyer National, mais, curieusement, la Grande-Bretagne va alors considérablement réduire l’immigration juive à partir de 1940 et limiter le droit aux Juifs d’acquérir des terres.

Durant la guerre, la résistance juive aux Anglais va devenir importante et elle culminera en 1946 avec l’attentat contre l’Etat Major Britannique logé dans l’hôtel King David, attentat très sanglant et qui montre que la violence aveugle n’a pas l’apanage d’un camp. Churchill va donc en appeler à l’ONU.

Entre temps, La 2e guerre mondiale s’est achevée, il y a deux ans. Le monde entier a découvert l’horreur du système concentrationnaire nazi. Les 6 millions de juifs exterminés hantent la conscience de l’Europe. La toute nouvelle Organisation des Nations Unies doit alors prendre le problème à bras le corps.

Les travaux commencent le 26 mai 1947. Le 31 août, un rapport de 54 volumes est déposé à l’Assemblée Générale. Il dit, en gros, les choses suivantes :

Les juifs fondent leurs droits au retour sur les liens historiques du peuple juif avec la Terre Sainte (cela avait déjà été confirmé par la déclaration Balfour). Ils estiment aussi que la mise en valeur du pays par les juifs déjà implantés en Palestine leur donne un droit. Enfin, la création d’un Etat permettrait de régler le problème des 250 000 juifs européens survivants des camps de la mort.

Du côté arabe, on argue du caractère inaliénable de la conquête musulmane de 637. Ils estiment que le mandat britannique de 1920 fut illégal. Enfin, ils penchent sur la création d’une Palestine indépendante qui tiendrait compte de la minorité juive.

Le 29 novembre1947, La résolution 181 est alors votée :

Elle consiste à octroyer aux Juifs 56% du territoire entre le Jourdain et la Méditerranée. Elle créait également un Etat Palestinien. Jérusalem devient une zone internationale placée sous le contrôle des Nations Unies. Il y eut 33 voix pour, 13 contre et 10 abstentions.

Mais cette résolution ne va pas se faire sans heurts. L’épisode de l’Exodus, bateau rempli de réfugiés, juifs refoulé de Palestine par les Anglais en est un bon exemple.

Le 14 mai 1948, l’Etat d’Israël est proclamé dans les frontières définies par l’ONU. À Tel-Aviv, c’est David Ben Gourion qui va lire la déclaration d’indépendance du nouvel état. Le lendemain, les Britanniques quittent le pays, laissant aux Israéliens le contrôle de leur base militaire. La Transjordanie, où vont vivre les Palestiniens, reste sous le commandement du général anglais Glubb Pacha, qui est à la tête de la Légion arabe de Transjordanie.

Mais le nouvel état suscite rapidement la haine de ses voisins.Une coalition arabe (Liban, Syrie, Irak, Egypte et Jordanie) attaque Israël. La légion Arabe de Transjordanie, appuyée par des contingents venus d’Arabie Saoudite se mêlent à l’attaque.

Peine perdue, la jeune démocratie parvient à repousser l’attaque et conquiert même les territoires situés à l’ouest du Jourdain.

Le 7 janvier 1949, Américains et Anglais imposent un cessez-le-feu. Le 24 février 1949, l’Egypte et Israël signent un accord d’armistice à Rhodes.

Cette guerre va laisser des traces. 800 000 arabes de Palestine vont quitter leurs terres tandis que 600 000 juifs doivent fuir les pays arabes. Mais ces réfugiés deviendront des citoyens israéliens à part entière tandis que les Arabes vont garder leur statut de réfugiés. Notez que la Ligue Arabe elle- leur demanda de quitter Israël, estimant qu’une fois l’ennemi refoulé à la mer, ils pourraient revenir vivre sur leurs terres. Cet échec est appelé Nakba, la catastrophe.

On peut donc voir que dès sa création, Israël a été en butte aux attaques de ses ennemis.

Je reviendrais plus tard sur les guerres de 67, de 73, les conflits entre Israël et le Liban et enfin sur les Intifada.